Bio

« Quand j’étais enfant », confie Patrice Leconte, « je ne rêvais que de cinéma. Et je rêvais de dessin aussi. Je suis comme on dit monté à Paris, et j’ai fait une école de cinéma. Mais je continuais à dessiner. Et je lisais Pilote. J’ai écrit à Gotlib, qui m’a répondu, qui a regardé mes dessins, qui les a montrés à René Goscinny, qui les aimés, qui m’a fait venir au journal, qui m’a trouvé sympathique, qui a publié mes dessins, qui m’a encouragé à continuer, ce que j’ai fait. Pendant cinq ans. De 1970 à 1975. J’étais heureux. Et puis j’ai tourné mon premier film, et c’est à ce moment là que tout a commencé à dérailler, parce que je n’ai plus fait que ça des films, et que j’ai arrêté la bande dessinée. Aujourd’hui, ce sont quelque unes de ces pages, vieilles de trente ans, mais charmantes et autodidactes, qui ressortent du grenier et ça me fait tout drôle ».

 

Publiée il y a plus de trente ans, ces onzes histoires indépendantes, "courtes et longues" sont rassemblées dans cet ouvrage de 80 pages en N&B accompagnées d'un cahier en couleur de 16 pages, préfacé par Marcel Gotlib .

Interview

Voici un large extrait l'interview de Patrice Leconte réalisée par Jean-Luc Brunet et Vivian Lecuivre.



Ces dessins que l’on retrouve dans Gazul Club ont été publiés il y a maintenant plus de 30 ans entre 1970 et 1975. Quel souvenir gardez-vous de cette période et diriez-vous que c’était une parenthèse enchantée ?


C’est une parenthèse assez enchantée parce que les gens qui savent que j’ai fait de la bande dessinée, pas longtemps mais activement, s’imaginent que je suis quelqu’un de la bande dessinée qui s’est mis à faire du cinéma. Hors, moi j’ai toujours tout fait pour réaliser des films. Je suis monté à Paris, j’ai fait une école de cinéma et il y a eu cette opportunité de faire des bandes dessinées chez Pilote, j’ai sauté sur l’occasion et j’en ai été très heureux. Parallèlement, je faisais des courts-métrages, mais cette incursion dans la bande dessinée m’a écarté d’un cursus plus classique, j’ai enjambé les étapes d’assistanat. C’est à cette époque que j’ai fait plus profondément connaissance avec Gotlib qui est devenu un ami et qui l’est toujours. Nous avons écrit un scénario de long-métrage qui a été mon premier film, tout ça n’était donc pas tout à fait inutile (… ) Le conseil de rédaction de Pilote avait lieu tous les lundi après-midi. Vous n’imaginez pas la jubilation que procurait le fait d’aller à ce conseil de rédaction et d’en ressortir avec les sujets attribués par Goscinny « Bon, très bien Leconte votre sujet, deux pages…. Reiser une page… » C’était marrant comme tout.

En quoi, ces conférences de rédactions étaient-elles aussi réjouissantes ?


C’était euphorique parce qu’avant toute chose, moi j’étais lecteur et très fan de Pilote avant de mettre le pied dans cette maison. Donc quand vous êtes lecteur et que petit à petit, vous avez l’impression de faire partie de la famille, le vertige est inouï. Au lieu de vous contenter d’admirer dans les pages Bretecher, Reiser, Gébé, Fred, Gotlib et les autres, ils deviennent des confrères et vous les retrouvez tous les lundi. On avait aussi pris l’habitude de se retrouver les uns, les autres dans les cafés du coin, on discutait et on avait surtout plaisir à se voir. Moi, j’étais un jeunot par rapport à ces maîtres du barreau mais d’être assis à côté de Jean Giraud, de le voir faire sur l’envers de ronds de bière des dessins presque à main levée avec un feutre, c’était inouï. Ce sont des moments dont je me souviendrais toute ma vie.

Est-ce une sensation que vous avez retrouvé par la suite où le cinéma est-il plus individualiste ?


Le cinéma est forcément plus individualiste parce que cette fameuse grande famille du cinéma qui se réunit tous les ans pour les César ou le Festival de Cannes n’est pas si unie que ça car elle est beaucoup trop grande pour être unie. Une équipe de rédaction qui se réunit dans un journal comme Pilote, constitue une vraie famille parce que c’est un petit groupe et tout le monde connaît tout le monde. Il y a à la fois de l’amitié, de l’admiration, de la concurrence, de la déconnade et du plaisir à être ensemble, même si on ne partait pas ensemble en autocar à Quiberon l’été. Sincèrement, il n’y avait aucune jalousie, aucune méfiance vis-à-vis de petits jeunes qui arrivaient dans l’équipe, c’était très bon enfant, très ouvert. Je dois néanmoins préciser que c’était sans doute grâce à l’humeur et l’humour du chef d’orchestre René Goscinny qui menait tout son petit monde comme ça et qui n’avait pas de chouchou. C’était vraiment un type ouvert attentif et malicieux, ça se retrouvait dans le journal.

Gotlib qui préface Gazul Club raconte, à sa manière et avec beaucoup d’humour, votre rencontre. Pouvez-vous nous donner votre version des faits ? L’avez-vous vraiment harcelé pour arriver à vos fins ?


Oui, elle est rigolote la préface, c’est même sans doute ce qu’il y a de plus drôle dans l’album. Sinon, rassurez-vous, je ne l’ai pas harcelé. Depuis plusieurs années déjà, j’étais un fidèle lecteur de Pilote et très fan de Gotlib. Je lui ai écrit, via le journal, pour lui dire que j’étais étudiant en cinéma à l’Hidec et que je m’étais rendu compte que lui-même était très cinéphile à travers toutes ses allusions au cinéma dans son travail et qu’à l’occasion, j’aimerai bien faire sa connaissance. C’était aussi ouvert que ça, il n’y avait aucune arrière-pensée de ma part, c’était juste pour le plaisir de rencontrer quelqu’un que j’admirais. Etonnamment, et peut être parce qu’il n’était pas submergé de solliciteurs dans mon genre, il m’a gentiment répondu et proposé de le rencontrer lors de sa visite suivante à Paris. Nous avons donc fait connaissance, on a beaucoup parlé de cinéma et un jour, je lui ai fait subir ce que je déteste absolument que l’on me fasse en lui disant « Moi aussi je dessine. Est-ce que je peux te montrer mes dessins ? » Il n’a pas voulu montrer son embarras et m’a assuré qu’il trouvait ça original et amusant. Comme on s’entendait bien il est allé les montrer à Goscinny. Trois jours après, il me dit « Goscinny a trouvé ça super, ça l’intéresse, téléphone lui car il veut te rencontrer ! ». Ca s’est donc fait comme ça. Au début, je ne comptais pas lui montrer mes dessins mais comme je faisais ça depuis longtemps, j’ai juste voulu avoir son avis.

Et quel souvenir avez-vous de la rencontre avec Goscinny ?


C’est comme quand vous êtes nominé aux César ! Quand j’ai poussé la porte des Editions Dargaud, rue Blaise Pascal à Neuilly pour le premier rendez-vous avec Goscinny, j’étais très ému et très touché. Je trouvais ça gratifiant que Goscinny veuille me rencontrer et voir mes dessins car j’étais un pur amateur, ce que j’ai toujours été d’ailleurs. Je pense avoir toujours été assez détendu dans ce milieu de la bande dessinée, dans la mesure où je savais que ce n’était pas ma vie. Je ne pouvais pas être carriériste dans la bande dessinée puisque ma vie c’était le cinéma. Le dessin me plaisait mais je savais que je ne terminerai pas ma vie avec une scoliose de la planche à dessin parce que un jour ou l’autre, j’arrêterai de dessiner et que je ferai des films. Je m’étais programmé comme ça et si tout allait bien, c’est comme ça que ça allait marcher.

Vous le revendiquez d’ailleurs dans un de vos dessins avec un personnage qui déclare « dès que je signe mon premier film, j’arrête de dessiner ! »


Absolument ! Il y a même un autre personnage qui ajoute « sage résolution mon vieux ! » (rire)

Comment était perçu à l’époque ce désir de ne pas faire carrière dans la bande dessinée mais au cinéma ?


Je n’en faisais pas spécialement état. Goscinny et mes collègues de passage chez Pilote n’imaginaient pas que du jour au lendemain, j’allais les quitter pour faire des films. Ce dont ils devaient se fiche complètement d’ailleurs…même si tous savaient que mon ambition était de faire des films. Ils ne m’ont jamais pris de haut ou considéré comme une espèce de dilettante, il y avait de la bienveillance de leur part. Certains aimaient beaucoup ce que je faisais et ils m’en parlaient. Je crois que ma touche personnelle était liée à ce handicap du dessin, ce côté autodidacte qui fait que je devais absolument m’en sortir autrement. J’ai toujours eu pour règle que les contraintes sont un très bon moteur de la création, assorti d’une phrase magique qui est « faisons de nos défauts, des qualités… » Eh bien, ça marche ! (rire)

Pour en revenir à Gotlib, pourquoi vous être d’abord adressé à lui ? C’était votre auteur préféré ?


C’est celui qui me faisait le plus marré et puis j’étais sur que c’était un cinéphile. J’aurais pu aller trouver Gébé mais il m’impressionnait trop, j’avais le sentiment que l’amour du cinéma de Gotlib me le rendait proche, plus abordable en tous cas. Je ne me suis pas trompé…et puis sa femme était moins cinéphile que lui, donc nous allions au cinéma ensemble parce que c’est vrai que c’est un peu chiant d’aller au cinéma tout seul. Avec lui, c’était marrant.

C’est pour ces mêmes raisons que vous êtes partis ensemble sur votre premier film, Les WC étaient fermés de l’intérieur ? Votre amitié n’a pas été mise à mal par cette aventure dont on sait qu’elle a été difficile, pour ne pas dire douloureuse ?


Non, comme nous nous voyions assez souvent, on s’est vite dit « Et si on écrivait un scénario de long métrage ensemble ? » C’était assez logique. Que le film ait été un calvaire, c’est sûr, même si les souvenirs rabotent tout. J’en ai bavé sur ce tournage comme ce n’est pas permis. Je m’étais même dit « je vais refaire de la bande dessinée, le cinéma c’est pas pour moi ! » Même avec le recul, ça reste une souffrance terrible mais comme je n’ai plus jamais connu ça à nouveau par la suite, j’imagine que ça m’a sans doute servi d’en baver autant sur le premier. D’ailleurs quitte à rééditer des vieilleries, et c’est un pur hasard, mais le DVD des WC sort à peu près en même temps que l’album. Le type qui s’en est occupé a concocté et collecté tout un tas de bonus vraiment originaux en allant chercher tous les survivants du film pour les faire parler. Comme il y a prescription et qu’avec Jean Rochefort, on s’est retrouvés depuis, on peut balancer sereinement sur le tournage et les rapports épouvantables qu’on a eu tous les deux. On peut le faire aujourd’hui, ce n’est pas de la vengeance puisqu’on sait qu’on s’aime maintenant (rire). On a aussi réussi à remettre la main sur le négatif et à obtenir les droits de My name is Marcel Gotlib, un documentaire d’une demi-heure que j’avais consacré à Gotlib. Il va donc y avoir plein de bonus extra comme ça. J’arrive en fin de carrière, donc on ressort les vieux trucs (rire).

Gazul club n’est pas une intégrale de vos planches. Comment s’est fait le choix de celles qui figurent dans cet ouvrage ?


Chaque semaine, quand mes pages étaient publiées, je faisais des albums sur papier canson pour collecter tout ça et que ça ne traîne pas sur des feuilles volantes. J’ai tout donné à Michel Lagarde, l’éditeur, et c’est lui qui a concocté ça tout seul, je lui ai tout donné et il a fait son choix, son marché. Il a préféré prendre des histoires complètes en 4, 6 ou 8 pages plutôt que de grappiller des petits trucs en une ou deux pages et je crois qu’il a eu raison car ce sont des histoires qui se bouclent bien sur elles même. C’est cohérent. Une fois que ce choix était fait, il est allé au musée du Cinéma de Bruxelles où j’ai déposé, il y a quelques temps tous mes originaux, il a sorti les planches qu’il voulait, il les a scanné et voilà le résultat…

A l’exception d’une édition de votre travail chez Fluide Glacial, il y a quelques années, on ne trouvait vos bandes dessinées que dans Le Coffre à BD sur Internet ….


Effectivement Gotlib avait édité avec Fluide glacial certaines de mes planches, ça ne s’appelait pas Gazul club mais Gazul & compagnie et je crois qu’ils en ont vendu une quinzaine… Quelques mois après cette publication, j’ai eu un coup de fil de Jacques Diamant, l’alter ego de Gotlib pour Fluide me disant qu’ils allaient être obligé de détruire les invendus et pour me demander si je voulais les racheter au poids. Mais qu’est ce que j’allais faire de 800 ou 1000 exemplaires ? Les donner comme carte de vœux ? Je lui en ai seulement demandé une dizaine d’exemplaires afin de pouvoir les donner à ma famille. Aujourd’hui, on doit pouvoir en trouver chez des bouquinistes et moi il doit m’en rester deux à la maison. C’est donc carrément bien, voire inespéré que ces planches soient rééditées chez un éditeur qui s’implique vraiment sur le projet. Ca me plait, ça me touche et j’espère qu’il va en vendre un peu car il est tellement aimable que je serai triste que ça devienne une mauvaise action pour lui.

Vous avez été surpris quand il vous a contacté ?


Oui, très surpris et surtout très touché. Revoir des photos de vous à la puberté, ça ne vous dit rien du tout car vous aviez une tête de nœud mais là, de ressortir ces vieilleries ça a un certain charme et puis c’est une période de ma vie que j’ai adoré. Je n’ai absolument pas honte de ces choses là. Je ne suis pas dessinateur professionnel, je fais de mon mieux. C’est dérisoire, charmant et ça a peut-être un peu d’intérêt, je ne m’en rends pas bien compte. Je l’ai mis un peu en garde mais il en avait envie et il s’est donné à fond, c’est très touchant.

Vous souvenez-vous de la naissance de Gazul ?


En fait, j’avais vu un film d’Abel Gance (NDLR ; Vénus aveugle en 1940) dans lequel un des personnages s’appelait Gazul et, allez savoir pourquoi, j’avais trouvé ce nom formidable. Et comme c’était à l’époque où je faisais de la bande dessinée, dés que j’avais besoin d’un nom, d’un patronyme, je l’appelais Gazul. Je trouvais ça bien et c’est resté. Dans un second temps, on m’a dit que Gazul était en fait le titre d’une œuvre de Prosper Mérimée Le Théâtre de Clara Gazul dont Abel Gance avait dû, lui aussi, pomper le nom parce qu’il lui plaisait. A mon tour, je l’ai repris chez Abel Gance et c’est devenu cette espèce de petit gimmick pour se marrer. Gazul est un peu à mes bandes dessinées ce que François Pignon est au cinéma de Francis Veber.

Vous pourriez vous le réapproprier, lui redonner vie ?


Ca aurait été possible dans un film, mais en fait Gazul a été remplacé par Monsieur Gora (rire). Pour la petite histoire, quand on a travaillé sur Tandem, Jean Rochefort m’a dit qu’il aimerait bien que l’un des personnages du film s’appelle Gora. Quand je lui ai demandé pourquoi, il m’a répondu « C’est le nom de ma femme de ménage et elle est tellement croquignolette qu’il faudrait qu’un des personnages porte son nom, ça l’amusera et ça nous portera chance ! » Et donc, il y a un des candidats de La langue au chat, l’équivalent du jeu des mille francs dans le film qui s’appelle Monsieur Gora. Ensuite, dans tous les films qu’on a fait ensemble, un des personnages s’appelle Gora. Je me souviens qu’à la fin du tournage de Ridicule, Jean me dit qu’on n’a pas mis de Gora dans le film. Angoisse…d’autant qu’il ne restait qu’une scène à tourner. Et donc, finalement, dans cette scène Jean s’empare d’un énorme dossier et commence, avec sa voix inimitable à lire son intitulé « Assèchement des marais de la Dombes par le marquis de Gora ! » Il le pose et la poussière s’envole… on était soulagé. (rire)

Dans vos planches, on ressent particulièrement bien votre obsession pour le cinéma…Votre inspiration est-elle la même en BD qu’au cinéma ?


Non et pour une raison très simple, c’est que lorsque je me suis mis à faire des films, j’ai presque complètement cessé de lire de la bande dessinée. Aujourd’hui, je ne suis absolument pas au courant de ce qui se publie. Certains amis comme Pétillon, Martin Veyron ou Tronchet m’envoient leur bouquin quand ils les publient mais sinon j’en lis très peu. J’en suis désolé car lorsque je tombe sur certains albums, je vois des merveilles absolues. En revanche, mon passage par la bande dessinée m’a appris à raconter les histoires de la manière la plus elliptique possible pour s’en tenir à l’essentiel. C’est tellement laborieux en bande dessinée de faire des cases qu’on ne peut pas se lancer dans des digressions.


Quel est votre « Meilleur ami » dans la BD ?


C’est un monde que je retrouve avec plaisir mais que je ne fréquente pas même si, à l’occasion, lorsque Claire Bretecher fait une exposition de ses aquarelles ou de ses dessins, j’y croise des gens de bande dessinée. C’est amusant de tomber dans les bras les uns des autres. Quand il y a eu cette exposition sublime aux Beaux arts autour du Chat de Geluck, j’ai revu des gens comme Fred, par exemple, et c’était très émouvant car ce sont des gens comme moi qui ont pris 30 ans mais qui sont toujours là et qui continuent de dessiner. Et puis à l’occasion, je vois Gotlib qui est mon premier ami de bande dessinée et qui sera donc le dernier, et Tronchet parce qu’on se connaît bien. On ne se voit pas tous les quatre matins mais on échange (sourire) ! Sinon, j’ai une amitié mêlée à une admiration folle pour Blutch. C’est un génie du dessin. Il me rappelle un peu Jean-Claude Forest, il y un traitement du dessin qui est très proche. Une fée arriverait ici en me disant qu’elle me donne le talent du dessin de quelqu’un, je choisirais sans hésitation Blutch pour avoir son aisance folle. Et puis son imagination me tue… vraiment ! Je suis dithyrambique sur ce que fait ce mec là.


Prenez-vous le même type de plaisir à faire du cinéma que lorsque vous faisiez de la bande dessinée ?


La bande dessinée, c’est très particulier car contrairement au cinéma, il était indispensable que je fasse tout, tout seul. Je ne pouvais pas solliciter des scénarios à d’autres car j’avais peur qu’ils me donnent à dessiner des trucs que je ne saurai pas faire. Ca, c’est la raison de base et puis ce qui me plaisait dans la bande dessinée, même si le dessin était laborieux, c’était d’inventer des histoires. Inventer des histoires mises en dessin par d’autres, sans aucune prétention, les quelques fois où je l’ai fait, ça ne m’a pas trop plu. J’avais l’impression que ma tournure d’esprit pour ces histoires un peu sottes que je racontais était cohérente avec la manière post naïve que j’avais de les dessiner. Quand je confiais ça à d’autres dessinateurs, et non des moindres, ça ne marchait pas pareil. Par contre, je me souviens de parodies de films qui paraissaient dans Pilote. Goscinny qui connaissait ma passion pour le cinéma m’avait demandé si je voulais bien scénariser ces parodies. Là c’était très bien parce que je n’aurais pas su les dessiner moi-même et qu’il fallait que ça aille vite. On n’était pas là pour tricoter… (rire)



Peut-on envisager un retour au dessin, une fois que vous aurez réalisé vos derniers films annoncés ?


Non, ça je crois hélas que ce n’est pas possible car pour quelqu’un qui n’a pas une réelle aisance ou une réelle facilité, ne pas dessiner pendant si longtemps, c’est dur ! J’en ai eu la preuve quand l’une de nos filles a fait le choix de partir en pension à Maison Laffitte pour terminer sa scolarité. Je trouvais ça admirable de sa part et j’étais très admiratif de sa démarche mais j’avais le cœur gros. J’ai donc acheté un carnet d’aquarelles, format grandes cartes postales et toutes les semaines, je lui en envoyais une avec un dessin de personnage ou de costume. J’en faisais un peu d’avance pour les semaines où je n’aurais pas le temps. Elle a eu son bac grâce aux cartes postales et à sa pension (rire). Et puis, il y a quelques temps, je montais dans son appartement et j’ai vu qu’elle les avait toutes gardé, ça m’a fait très plaisir. Sur les premières cartes, ça a été très laborieux et petit à petit, c’est un peu revenu, je retrouvais un réel plaisir mais ce n’est pas facile de remettre en route cette machine.

Propos recueillis par Jean-Luc Brunet et Vivian Lecuivre en 2007 à l'occasion de la sortie du livre (publiée dans son supplément "La gazette de Gazul" )